Adrien

Je n’aurais jamais pensé un jour devoir me retrouver à t’écrire dans le vide de ton absence, et pourtant, me voilà, face à cette page vierge que je me demande comment remplir, non pas pour me faire remarquer au milieu de la multitude d’hommages que tu as déjà bien mérité, mais simplement pour essayer de soulager l’immense vacuité qui m’accompagne depuis que j’ai appris la bien triste nouvelle.

Sache tout de même qu’il m’a fallu presque une semaine avant de me décider à prendre ma plume, non pas que je ne souhaitais le faire, mais simplement parce que j’étais dans un état second situé entre l’incompréhension et la colère. Je crois bien que mes premiers mots ont été : « pourquoi as-tu fait ça sombre con ? ». Sombre tu pouvais l’être, con parfois, mais un gentil con. De ceux qui se cachent derrière l’humour noir et le cynisme parce que leurs blessures les obligent, souvent bêtement, à se cacher pour que personne ne puisse s’insinuer dans leurs failles et les fissures de leur âme. Mais écoute moi bien, où que tu sois désormais, j’ai toujours su voir au-delà de ton personnage qui se voulait indifférent et désagréable, tu transpirais la gentillesse et la tendresse malgré tout. Et je le sais d’autant mieux que je pense n’avoir jamais rencontré et connu quelqu’un qui me ressemblait autant. C’est d’ailleurs pour cela que je t’en veux autant. Comment as-tu pu m’enlever mon double pas si maléfique, mon alter ego de dix ans mon cadet ? Pourquoi ne pas avoir demandé l’aide que j’aurais voulu t’apporter ? J’imagine que tu devais te sentir bien seul pour commettre l’irréparable et laisser ceux qui t’aiment tant le cœur déchiré à jamais. Une entaille de plus que tu laisses aux vivants par ton geste que je qualifierais d’égoïste si je ne m’arrêtais qu’à la colère qui anime mes mots. Le problème c’est que malgré tout, rien n’effacera jamais l’attachement que j’ai toujours eu pour toi. Malgré tes failles, tes défaillances et tes erreurs si humaines, je n’ai cessé de t’apprécier et d’être sensible à ta personnalité. En silence, de loin, certainement de trop loin d’ailleurs, je t’ai vu grandir, t’épanouir aussi, tant bien que mal, dans les épreuves, les peines et les joies qui ont jonché le chemin de ta trop courte vie.

Je comprends maintenant que tu avançais difficilement dans le noir et que l’unique moyen que tu as trouvé pour retrouver la lumière a été de t’ôter la vie. Et même si mes larmes coulent en t’écrivant ces quelques mots inutiles, je garderai de toi, ton sourire, ta gentillesse, ton courage et ce profond besoin d’aider les autres. Il est vrai que ce sont souvent les plus généreux qui sont les plus seuls et les moins heureux, tu sembles devoir confirmer la règle, même si j’aurais préféré que tu sois l’exception. On dit également que ce sont les meilleurs qui partent les premiers, encore une vérité que tu n’auras pas déjouée. 

Tu laisses un vide immense Adrien. Avec qui j’irai voir les concerts de Kendji ? Avec qui je vais me moquer des gens surtout lorsque c’est malvenu, immoral et indécent ? Nous n’avions aucun scrupule à mettre à mal la bienséance et à choquer notre monde. C’est notamment ce qui nous rapprochait.

Il aura fallu que tu disparaisses pour que je réalise à quel point je t’aimais. On ne dit jamais assez aux gens importants qu’on les aime, je te l’avais dit quelques fois, par accident, au détour de fous rires et après certains commentaires licencieux sur des faits divers ou l’actualité incongrue qui ensoleillaient nos échanges. Ce n’était jamais réellement dit au sérieux, peut-être aurais-je dû insister sur le fait que je pensais mes mots. Amicalement bien évidemment, presque fraternellement, et surtout profondément. Je réalise que c’est ce qui restera le plus douloureux, ne pas avoir su te rassurer et insister sur le fait que tu étais important et précieux. Qui sait, tu aurais pu te sentir un peu moins seul.

Mais les regrets ne servent désormais à rien, j’espère simplement en tirer les leçons et ne pas attendre le pire pour prendre soin des autres, ne serait-ce qu’avec quelques mots de rien du tout au final. Mon unique réconfort réside dans le fait que tu es maintenant auprès des tiens : ta mère, ton père et ton frère. Ils sont chanceux d’avoir l’éternité à partager avec toi. A moi d’être altruiste et de me réjouir de ton bonheur retrouvé. Profite, aime, laisse les t’apaiser et prendre soin de toi, et surtout n’oublie pas de boire un whisky pour moi, tu en as toujours été friand.

Tu vas terriblement me manquer Adrien. Je ne t’oublierai jamais, et nous sommes nombreux à avoir perdu une petite partie de nous-mêmes. Je ne t’en veux pas, ou plus l’ami, je ne comprends pas spécialement, mais j’accepte ton choix, je ne peux pas faire autrement de toute façon. Sans doute que nous ne te méritions pas, sans en avoir conscience, un peu comme personne ne semble comprendre que c’est également le cas pour moi. Promis, je ne cherche pas à te voler la vedette, juste à t’arracher un dernier un sourire. Un que je garderai précieusement en attendant…

On se recroisera un jour Adrien, mais pas tout de suite…

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